mardi 29 novembre 2011

Et si c'était notre homme ????

Déclaration de Jean DEGLI à la CVJR

Avant toute chose, je voudrais remercier la Commission de m'avoir permis de me présenter devant elle pour rectifier ce que je considère comme étant des affabulations et des mensonges au nom d'une histoire récente que l'on doit restituer dans sa réalité si tant est que l'on veut en parler. Je manquerai également à un devoir citoyen et de leader d'opinions si je ne profitais pas de l'occasion pour féliciter la CVJR pour le travail qu'elle fait, dans les conditions que l'on connaît. Quelles que soient les lacunes et les limites, ce processus est un grand pas et la CVJR a déjà prouvé à plus d'un titre qu'elle prend à cœur la tâche de sortir de ce processus par une véritable réconciliation des Togolais. Puisse Dieu bénir votre ouvrage et le faire aboutir pour le Bien Être de ses enfants les Togolais.

Monseigneur Président ;

Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission Vérité, Justice,

Réconciliation ;

Mes Chers Compatriotes ;

Ce devoir étant accompli, je voudrais maintenant et avant d'aborder le fond de mon intervention ici, m'incliner devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour que naisse la démocratie et l'Etat de droit au Togo. Leur seul tort aura été d'avoir demandé un peu plus de droits, de liberté, de démocratie, bref un peu plus de Bien Être collectif. A eux tous, je souhaite que la terre soit légère et que le sacrifice qu'ils ont fait ne soit pas vain.

A leurs parents, je voudrais dire mes condoléances les plus attristées. Le FRONT SAGE a posé dernièrement pour eux tous au bord de la lagune de Bè, un monument sur lequel il est écrit « Passant ! Vas dire au Togo que nous sommes morts pour que naisse la Démocratie ». Votre Commission proposera, je l'espère, qu'il soit fait plus pour eux car ils sont morts pour la Patrie et la moindre des choses est de reconnaître officiellement ce sacrifice en créant ici à Lomé et dans les principales villes du Togo, une place des Martyrs de la Démocratie ou un monument officiel en ce sens.

A ceux qui sont blessés ou qui ont souffert d'une quelconque manière dans leur chair ou dans leurs biens, j'exprime toutes mes compassions.

Pour ce qui est de ma déclaration ou déposition devant vous, j'indique que j'ai toujours considéré et considère encore personnellement que l'heure n'est pas encore venue pour exposer aux yeux et aux oreilles du monde certains pans de notre douloureuse histoire, notamment certains faits dont les acteurs peuvent encore craindre pour leur vie. Je n'aurais donc personnellement pas voulu parler de ces sujets maintenant parce qu'il me semblait qu'il fallait laisser le temps au temps et permettre à l'histoire d'aller elle-même rechercher ses vérités pour s'écrire. Certes, les faits qui ont été évoqués devant vous et auxquels je réagis ont été couverts par la loi d'amnistie de Décembre 1994, ils me semblent cependant très sensibles puisqu'ils relèvent de la première vraie humiliation infligée à ceux qui avaient jusque là dans notre pays, le monopole de la terreur et qui, pour la première fois, ont vu la peur changer de camp. A ce titre, leurs réactions sont souvent assez vives lorsqu'ils entendent quelqu'un parler de ces faits.

Je sais par ailleurs que plusieurs d'entre eux en veulent à ma personne. N'eut été la ferme volonté du Chef de l'Etat actuel qui, dans son désir d'apaisement de la vie politique, a voulu que ceux que feu le Général EYADEMA a déclaré « ennemis jurés » puissent eux aussi regagner leur pays, je ne serai pas ici aujourd'hui. Je vous avoue donc que je n'aurais personnellement pas voulu que les faits dont je m'apprête à parler fussent évoqués maintenant et c'est pour cela que je n'avais fait aucune démarche ab initio en ce sens.

Hélas, les événements et peut-être aussi la providence en ont décidé autrement.

Ne pouvant pas accepter que l'on mente dans le compte de l'histoire récente, que qui que ce soit salisse la mémoire de ceux qui ont accepté de sacrifier leur vie pour que leurs concitoyens puissent garder la leur, ne pouvant laisser travestir des pans entiers des événements dont j'ai été un des modestes acteurs ou témoins, j'ai décidé d'intervenir devant vous pour rétablir un certain nombre de vérités lorsque j'ai entendu les propos tenus devant cette Commission le 10 Novembre 2011 dernier par Monsieur Jérôme PLANITEYE. J'accomplis donc avant tout un devoir qui consiste à rétablir la réalité des faits présentés de façon tronqués devant la Commission.

Toutefois, les faits qui ont été évoqués devant vous et qui ont fait preuve de contre vérités font partie d'un tout. Il serait difficile de vous faire vraiment comprendre les choses et de présenter devant vous et devant le Peuple togolais qui doit bénéficier de votre mission, la réalité des faits si ces faits sont racontés de façon partielle. Dans la mesure où ces événements ont été évoqués devant vous, il me semble que leur clarification fait partie des éléments qui doivent conduire à la probable réconciliation du Peuple togolais. Il ne peut donc être question de venir ici pour vous servir une vérité incomplète qui rétablirait ce qui m'arrange, arrangerait les Combattants de la Liberté ou arrangerait simplement certains et laisserait un pan de la vérité non dite. Le soutien que je donne personnellement à cette Commission et à sa mission, mon désir de voir la Vérité apparaître et la Réconciliation se faire entre les Togolais m'obligent à vous dire la Vérité, rien que la Vérité, mais l'intégralité de la Vérité sur les événements en question.

Si la réussite de la CVJR devait dépendre des citoyens Togolais et surtout des acteurs que nous étions aux époques concernées, je voudrais que ma part dans la construction de l'édifice de la Vérité, et de la Réconciliation lui soit ainsi assurée. C'est ma façon de contribuer à la mission de la CVJR mais aussi de donner l'exemple de ce que devait être l'attitude de chacun d'entre nous face au travail de cette Commission si tant est que nous aimons vraiment ce pays et voulons le sortir des crises répétées et de l'obscurantisme.

Je voudrais donc faire cette déclaration et m'engage à dire toute la vérité sur ces événements parce que malgré tous les obstacles qui se dressent sur la voie de la réconciliation à travers la tâche de la Commission, je soutiens fermement le travail et le rôle de cette Commission et souhaite que tous les moyens soient mis à sa disposition aussi bien par les autorités qui en ont le devoir impérieux que par tous les citoyens qui en ont les moyens pour qu'elle puisse enfin amener ce pays à ce qui lui manque depuis des années et constitue un frein véritable à son développement et à toute avancée politique : la paix et la réconciliation.

Cependant, vous me permettrez de mettre certaines limites à cette volonté de dire la Vérité. La première sera celle des dates. En effet, la plupart des documents sur lesquels je devais me baser pour être précis sur les dates se trouvent en Europe, enfermés dans des lieux sûrs. Cette intervention étant venue par surprise, je n'ai pas eu le temps matériel nécessaire pour y accéder afin de donner les diverses dates avec la précision qu'il faut. La deuxième limite sera les noms. La Commission me permettra de ne pas livrer ici tous les noms de tous les protagonistes dont je parlerai. Toutefois, je reste persuadé que certains d'entre les personnes concernées qui sont encore en vie se reconnaîtront eux-mêmes.

Enfin, je parlerai beaucoup plus à la première personne du singulier, ce que je n'aime guère pour le trop fort relent d'égocentrisme que cela comporte. Cependant, n'étant pas sûr que mes autres Compagnons dans cette aventure auraient souhaité parler de leur contribution et ne voulant pas mépriser leur volonté, je parlerai hélas, uniquement avec le « Je » ou le « Moi ».

Je pose également cet acte aujourd'hui parce que la plupart de mes camarades Combattants de la Liberté qui auraient pu faire ce travail à ma place ne sont plus en vie. Qu'il s'agisse du Lieutenant Vincent Djemba TOKOFAÏ, de Bertin FOLY ou de Félix AMEGAN, ou du militaire KOKLOVI, de Barré et de tous les autres, la plupart ont perdu la vie. Je voudrais ici leur rendre un hommage mérité pour le fait d'avoir accepté de sacrifier leur vie pour la Nation, de sacrifier leur vie pour que la majorité des Togolais puissent garder la leur. Nous avions compris et avions fondé notre philosophie sur le fait que la vie ne sert à rien si elle ne peut servir à sauver des vies et donc si elle ne sert pas la vie. Mettre notre vie au service des vies, telle était notre devise et chacun d'entre nous l'a respectée. Comme le disait le président John F. KENNEDY, « N'attendons rien de notre pays que nous ne soyons prêts à lui donner et […] ne lui proposons rien que nous ne soyons en mesure de faire nous-mêmes ».

A tous ceux qui sont tombés parmi les Combattants de la Liberté, je dis que « Que la Terre vous soit légère et que Dieu vous bénisse et fasse en sorte que votre Sacrifice Suprême porte un jour les Fruits de la Démocratie et de l'Etat de droit pour laquelle vous avez combattu le bon combat » A tous les membres de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P.) qui ont respecté le serment qu'ils ont fait et ont offert de se battre pour sortir notre pays de la Dictature et de son obscurantisme et auxquels je rends ici un hommage mérité, je leur demande de m'excuser de devoir ici dévoiler certains pans de ce qui constituait jusque là nos secrets, même si la plupart des faits ont déjà fait l'objet de larges indiscrétions, commentaires et dénaturations dans certains milieux. Votre volonté avait été hier d'aider ce pays à trouver la voix de la Réconciliation, de la Paix, de la Démocratie et de l'Etat de droit. La CVJR est peut-être l'un des chemins vers certains de nos objectifs d'hier : La Réconciliation et la Paix.

Avant d'en arriver aux propos de Monsieur PLANITEYE, pour permettre de comprendre la situation et de mettre les choses dans leur contexte, je ne puis m'empêcher de présenter un certain nombre de faits. La création et l'action de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P.) ouvriront mes propos (I) qui seront clos par les rectificatifs des erreurs contre vérités émises par Monsieur PLANITEYE dans sa déposition (II).

I- La Nécessité d'un Changement de Méthode de Lutte

Au début des années 90, après avoir aidé des amis et camarades Béninois à mettre fin à la dictature du Général Mathieu KEREKOU, nous avons, avec l'aide de ceux-ci, essayé de penser à notre pays le Togo et de lutter pour mettre fin à la dictature militaire qu'elle subissait avec une oppression qui se nourrissait du silence du Peuple togolais, un silence improprement qualifié de paix et de stabilité par la communauté internationale.

C'est en ce sens que nous avons décidé de contester, lors du Congrès du Mouvement National des Etudiants du Togo (MONESTO) en Août 1990, les déclarations de la Commission mise en place par le régime et qui avait cru devoir faire dire au Peuple togolais qu'il était opposé à la démocratie, décision que devait soutenir justement ledit Congrès du MONESTO. C'est à la suite de ce mouvement et des activités qui y sont relatives que certains camarades étudiants et autres seront arrêtés, torturés pour aboutir ensuite au fameux procès LOGO-DOGLO et ensuite aux manifestations du 5 Octobre 1990, jour où devait se donner le verdict dans ledit procès.

Le refus du régime de changer et d'accepter la démocratie et son autisme vont nous conduire, à partir du début de l'année 1991, dans le cadre d'un Groupe au nom de « JB » à nous organiser pour mettre le pouvoir en difficulté à partir de mars 1991. C'est ainsi que nous avons organisé les mouvements estudiantins et de rue de mars et avril 1991 qui finiront, avec le Front des Organisation pour le Renouveau (FAR) par contraindre le pouvoir à accepter la libéralisation de la vie politique et associative, notamment le multipartisme, la démocratie, l'amnistie générale pour tous les exilés et condamnés pour délit politiques, le principe de la conférence nationale et d'une transition démocratique, etc.

Au sortir de la Conférence Nationale, les choses n'ont guère changé sinon que la situation s'était réellement empirée. L'usage des armes contre les populations aux mains nues était désormais devenu la méthode la plus utilisée dans le cadre de la stratégie de la terreur mise en place par le Président Dictateur Général et son entourage pour reprendre le pouvoir et mettre fin à toutes velléités d'ouverture démocratique. Les populations togolaises manifestant pour la démocratie étaient désormais systématiquement décimées.

On se rappellera également les tentatives d'assassinat du Premier Ministre KOFFIGOH et de renversement du Gouvernement de transition qui ont eu lieu les 1er et 8 octobre 1991. Les Togolais manifestant pacifiquement pour soutenir les institutions de la transition furent tués à cette occasion. Le paroxysme pendant cette période sera atteint, lorsque dès le 27 novembre 1991, profitant de l'erreur de ceux qui ont voulu dissoudre le RPT, les hommes en armes prirent d'assaut les points névralgiques de notre capitale et attaquèrent le Premier Ministre Joseph Kokou KOFFIGOH le matin du 3 Décembre 1991. Plusieurs morts jalonnèrent cet épisode.

Evoquant la physionomie d'un mouton que nous ne connaissions guère mais dont l'aspect n'empêchait pas que la fête des militaires proches du Général Président ait bien lieu, nous fûmes convoqués par radio à nous rendre au siège des insurgés à la Direction des Douanes. Je figurais en bonne place parmi les conviés à ce festin de la mort. Je dus fuir ma maison pour échapper à ce qui ne pouvait ressembler à autre chose qu'au trépas si jamais j'étais trouvé. J'en étais d'autant plus persuadé que revenu des Etas Unis où j'étais en formation après la Conférence Nationale, j'ai été appelé par le Premier Ministre que j'ai aidé durant ces quelques jours à trouver une solution à la crise.

Mon entrée au Gouvernement en décembre 1991 à mon corps défendant après cette crise ne fut pas de tout repos. Mes rapports déjà mauvais avec le Chef de l'Etat et son entourage qui considéraient que le « Petit DEGLI » était la source de leur mal étaient très tendus. Mon ignorance des menaces que le Chef de l'Etat m'avait proférées personnellement en décembre 1990 et qui ne m'ont pas ébranlé, le renvoi au Chef de l'Etat en mars 1992 de l'argent qu'il m'avait envoyé pour m'aider lors du décès du mon père, accompagné d'une lettre de remerciement lui précisant que cet argent serait mieux utilisé pour des œuvres de charité, ce qu'il avait pris comme une humiliation, faisaient que l'Homme m'en voulait à mort.

Par ailleurs, face aux jeux que jouait le Chef de l'Etat qui manipulait tout et surtout les militaires contre la transition qu'il voulait faire échouer à tous prix, je fus obligé de déclarer en plein Conseil des Ministres que le Général Président est fondamentalement de mauvaise foi. Pour le Général Président, j'avais franchi les dernières limites.

Le 3 Mai 1992, deux jours avant l'attentat de Soudou, alors que j'avais conduit la délégation du Prix Nobel de la Paix Desmond TUTU au Premier Ministre KOFFIGOH dans son village à Kpélé et que je revenais à Lomé, la direction de mon véhicule qui avait été sabotée lâcha. Le véhicule fit cinq (5) tonneaux. Dieu était de mon voyage. Je sortis vivant, de même que le chauffeur. Pendant que j'étais à l'hôpital pour faire un check up, on sabrait du champagne à Lomé 2 au motif que j'avais perdu la vie dans l'accident. De retour de l'hôpital et alors que je me reposais chez ma grande cousine à Forever, mes persécuteurs qui s'étaient rendu finalement compte que je n'avais pas péri dans l'accident de voiture envoyèrent dans ma maison une équipe de gendarme conduite par le lieutenant ATTI pour perquisitionner mon domicile. Le motif était que j'avais des armes chez moi destinées à renverser le régime. Mon interlocuteur n'ayant pas de mandat de perquisition, j'aurais pu m'opposer à toute action de sa part, ne serait-ce que parce que j'étais un ministre en fonction et que cette action chez moi devait respecter certaines procédures. Toutefois, afin de prouver ma bonne foi mais aussi pour sauver cet officier visiblement confus devant la mission qui lui était assignée, j'ai accepté de me plier à cette procédure. La perquisition ne donna évidemment rien. Suite à cet acte, je m'attendais au moins à une protestation du Gouvernement de transition. Rien n'y fit.

Entre le 11 et le 13 juin, n'obtenant pas ma démission du Gouvernement et les excuses publiques qu'il avait souhaitées, le Général rassembla les militaires à l'Etat Major et leur indiqua qu'il me voulait mort ou vif. Les interventions de Mgr. Desmond TUTU et du Sous Secrétaire d'Etat aux africaines Hermann COHEN qui intervinrent pour lui demander de lever sa fatwa contre ma personne ne reçurent aucun écho favorable de sa part.

C'est ainsi que quelques jours après cette demande, le portail de la maison du Commissaire KOKODOKO qui était le voisin de ma cousine chez qui je m'étais réfugié quelques jours plus tôt fut défoncé. Ceux qui me cherchaient s'étaient trompés de cible. Il fallait désormais que je me déplace toutes les nuits pour ne pas être assassiné.

Une semaine après cet événement, un commando composé des éléments proches du Général et qui devait assassiner plus tard Tavio AMORIN, m'a raté au feu rouge de DEKON. En fait que s'est-il passé ce jour ? Ce matin là, je devais me rendre au Palais des Congrès devant le Haut Conseil de la République pour une communication du Gouvernement. J'arrivais sur le perron du Palais lorsqu'un des véhicules de la garde de la primature nous accosta à vive allure et nous fit arrêter. Le garde que je connaissais bien en sortit et m'extirpa de mon véhicule en m'indiquant que le Premier Ministre KOFFIGOH demandait qu'on me ramène immédiatement. Une fois arrivé à la Primature, le chef du gouvernement de transition m'apprit qu'en fait un commando qui était dans un des véhicules de la sécurité du Chef de l'Etat était censé m'abattre dans la circulation ce jour. Effectivement, la Benz noire avait stationnée à côté de nous au feu rouge de DEKON mais la main de Dieu à travers un petit hasard n'avait pas permis au commando de me voir dans le véhicule. KOFFIGOH m'a alors demandé de me cacher de mes poursuivants et m'a aidé à me cacher jusqu'à ma démission du Gouvernement et mon départ du Togo le 19 Juillet 1992.

C'est en fait la providence qui m'avait sauvé la vie ce jour. En effet, mes assassins ne savaient pas que j'étais dans ma voiture car ce matin, au moment de quitter la maison pour le travail, j'avais demandé par amusement à mon garde corps de jouer les ministres en s'installant à ma place pour la journée. Moi-même j'allais être à côté du chauffeur jouant au garde corps. Mes assassins ayant vu mon garde corps assis derrière la voiture à la place du ministre, ils ne pouvaient imaginer que j'étais également dans le véhicule. Ils nous ont donc laissé et sont partis. La main de Dieu m'avait ainsi guidé.

Je profite de cette occasion pour remercier l'ambassadeur de France Bruno DELAYE qui, à cette occasion, m'avait aidé à sortir du Togo sain et sauf. Je remercie également la France qui, malgré toutes les souffrances que son soutien pour les dictatures nous ont fait endurer, a accepté à cette occasion, pour ne pas être sur la sellette après l'attentat de Soudou, de me sauver la vie mais également de m'héberger pendant mes années d'exil malgré toutes les déclarations que j'ai eues à faire contre sa politique africaine.

Quelques jours après mon départ, le commando de la mort composé entre autres des policiers de KAREWE Kossi et BOUKPESSI tire sur Tavio AMORIN et le message au sein du camp présidentiel pour cet assassinat était simple : il s'agit de donner une leçon à tous ceux qui veulent faire comme ces jeunes gens que sont Jean Yaovi DEGLI et Tavio AMORIN.

En exil, j'ai été désigné Conseiller Juridique du Chef de Gouvernement par le Premier Ministre KOFFIGOH. A ce titre, il me fallait aider le gouvernement à faire avancer la transition, défendre sa position face au Général président. Avec l'aide de quelques amis, je mis en place un groupe de 77 députés Européens qui soutenaient le Gouvernement et la transition togolaise vers la démocratie. Je rencontrais dans le cadre de ma mission hommes politiques, ministres, parlementaires, journalistes, responsables d'ONG et défenseurs des droits humains. C'est dans ce cadre que lorsqu'en Octobre et novembre 1992, une autre crise intervint entre les ministres du bord du Général, Agbéyomé KODJO, Mensah AGBEKA et le Premier Ministre, crise au cours de laquelle le ministre de l'intérieur limogé Agbéyomé KODJO avait menacé d'arrêter le premier ministre, je sortis dans le journal la « La Croix » à Paris un article intitulé « Togo : le Gangstérisme Politique » expliquant ce qui s'est réellement passé et exposant la position du Premier Ministre.

Quelques jours après, je reçus de la part d'un de ces ministres du RPT au Gouvernement de transition qui parlait au nom du camp présidentiel, un message qu'il avait officiellement et solennellement demandé à un de ses proches que je connaissais également de me transmettre. Le message était ainsi libellé. Quel que soit l'endroit où je me trouve, le régime a les bras assez longs pour m'atteindre.

Le 2 Novembre 1992, j'avais échappé à un attentat à la bombe à l'hôtel Mercure Porte de la Plaine à Paris où je m'étais rendu pour donner une Conférence justement sur les événements au Togo. L'Elysée avait alors décidé de mettre des gardes de corps à ma disposition, ce que je n'avais accepté que pour quelques jours puisque je ne savais pas d'où me viendrait exactement la mort, le régime m'ayant informé et ayant démontré à suffisance que même à l'étranger, je ne pouvais espérer aucune sécurité.

Ces deux derniers événements ont déchiré mon âme et détruit dans une certaine mesure ma psychologie. Ils ont mis fin à mon espoir de retourner rapidement au Togo comme je l'avais affirmé aux autorités américaines lorsque John LEWIS, le Directeur de Cabinet de Hermann COHEN m'avait proposé de prendre l'asile politique aux Etats-Unis. Même si je ne demanderai pas officiellement l'asile politique avant Septembre 1994, j'avais clairement compris que je ne retournerai jamais dans mon pays tant que ce régime dirigé par le Président Dictateur Général serait en place.

Mais les deux événements en question m'ont également permis de savoir désormais à quoi m'en tenir en ce qui concerne mon Peuple, la Lutte que je mène pour la Terre de nos Aïeux et en ce qui me concerne personnellement. Pendant la même période, on continuait de tuer mes compatriotes qui manifestaient les mains nues pour revendiquer leurs droits. Les jeunes furent obligés de se constituer en groupe de jet de pierre pour se défendre contre les armes achetées par l'argent du contribuable togolais et mis entre les mains de ceux qui ont décidé de les retourner contre leur propre peuple, juste pour la reconquête du pouvoir. Entre temps, l'opposition fut obligée de décréter une grève générale illimitée qui ne donnera rien d'autre que de renforcer encore plus le Général et ses partisans qui occupèrent désormais tous seuls le terrain, grève qui appauvrira encore un peu plus les plus pauvres. J'étais désormais dans un dilemme. Ma lutte me semblait plus que vaine. J'avais donc décidé de prendre quelques jours de jeûne et j'ai entamé une longue réflexion.

Mgr. Président ;

Messieurs les Membres de la CVJR ;

Chers Compatriotes.

Les conclusions auxquelles je suis arrivé sont simples. Lorsque dans un pays les citoyens ne peuvent pas revendiquer pacifiquement le respect de leurs droits et la démocratie, lorsqu'en réponse à toutes revendications pacifiques et à main nue dans ce sens l'on vous répond par les armes, lorsque l'on vous a persécutés et renvoyés en exil tout simplement parce que vous avez été obligés de demander un peu plus d'Etat de droit, de démocratie et de Bien Être pour votre Peuple, lorsque dans votre pays de refuge on continue de vous persécuter et de vous vous menacer, de persécuter les vôtres alors que vous avez besoin de retourner chez vous et avoir droit au respect de votre Dignité, à la paix, à la tranquillité et à une vie dans votre pays, il arrive des moments où des choix difficiles s'imposent à vous. L'adage ne dit-elle pas aide toi le ciel t'aidera.

S'il est vrai que ma position a été jusque là celle d'un partisan d'une lutte non violente, ma conscience à partir de cet instant m'a interpellé sur une chose. Lorsqu'on aime son pays et que l'on se bat pour que son peuple soit protégé et respecté dans sa Dignité, la non-violence et le respect des règles morales et chrétiennes vous amènent-elles à rester silencieux devant autant de souffrances et de violences faites à ce peuple en continuant de lui prôner le pacifisme ? Lorsqu'on a la possibilité d'arrêter un homme qui tue, qui blesse, qui brime et qui pille, peut-on au nom des principes de la non-violence accepter qu'il décime un Peuple en invoquant les principes du pacifisme ?

Lorsqu'un seul tue la multitude et qu'on a la possibilité d'anéantir le Diable, doit-on refuser de le faire en invoquant au Peuple meurtri qui a déjà eu l'occasion de tourner plusieurs fois la seconde joue au Diable en lui chantant les louanges, les principes de la non-violence ? Le faire ne rend-il pas plus coupable que le fait de chercher un moyen pour renverser et anéantir l'ogre ? Que faire devant cette horde de tueurs qui ne connaît qu'un seul langage : celui des armes ? Combien doivent tomber avant qu'on arrête la machine ? Que faire lorsque la communauté internationale se tait devant le carnage ? Que faire quand face à ce silence coupable, vous allez rencontrer les diplomates des Nations Unies qui vous disent sans ambages que l'ONU n'est jamais intervenue dans un pays stable et qu'elle ne pourra pas intervenir pour sauver vos concitoyens tant que votre pays n'est pas en guère ? Que faire lorsque votre propre voix et vos dénonciations ne sont pas arrivées à sortir le massacre de votre Peuple de l'indifférence ?

Croiser les bras et regarder ? Dire au Peuple de continuer à se faire tuer en vous contentant de dénonciations que personnes ne semble entendre et en lui disant que vous défendez ses droits ? Trouver des moyens identiques à ceux de l'ennemi pour combattre celui-ci sur son propre terrain et si possible anéantir la source du mal ? Voilà le choix cornélien devant lequel nous nous sommes trouvés en ces moments difficiles de la lutte pour la démocratie et l'Etat de droit au Togo.

Monseigneur Président ;

Mesdames, Messieurs les membres de la Commission ;

Chers Compatriotes.

Nous ne sommes et ne seront jamais Jésus Christ. Simples hommes que nous sommes, nous reconnaissons que la limite est rapidement atteinte lorsque l'on doit tendre plusieurs fois la seconde joue et face à certains péchés il est souvent très difficile de pouvoir pardonner 70 fois 7 fois. « Dieu qui nous a créés sans nous ne pourra malheureusement pas nous sauver sans nous » disait Saint Augustin.

Cependant, je n'avais pas pu faire tout seul le choix car bien qu'ayant été déclaré la source absolu du Mal qui dérangeait le pouvoir par le Président Dictateur Général lui-même, je n'ai jamais rien fait tout seul et demeure bien conscient qu' « une hirondelle ne fait pas le Printemps » ; surtout si jamais il fallait choisir la voix de la lutte armée.

Devant la mort qui m'a suivi jusque dans les murs de mon refuge à Paris, j'avais décidé de partir clandestinement au Ghana où mon ami Alphonse Kokouvi MASSEME, ministre de l'intérieur du premier gouvernement de transition, et les militaires qui ont défendu le Premier Ministre KOFFIGOH continuaient de soutenir la transition et de constituer une force de réserve qui pourra être utile en cas de nouvelle attaque de la transition. Ces militaires essayaient aussi de voir comment aider le pays à sortir de cette stratégie de la terreur.

Je me suis donc rendu au Ghana à partir du mois de Décembre 1992. C'est durant ce voyage et ma présence au Ghana que devaient intervenir les événements douloureux des 25 et 30 janvier 1993 avec les massacres du Fréau Jardin et la descente de la Garde Présidentielle dans les quartiers de Lomé. Ces événements ont été l'étincelle qui embrasera la flamme qu'il y avait déjà en moi, fils d'un Secrétaire Général du CUT, emprisonné en 1963 parce qu'il avait fait partie de ceux qui ont osé penser prendre les armes pour aller défendre la mort de Sylvanus OLYMPIIO.

La situation à laquelle nous avions assisté ce 25 Janvier 1993 était terrifiante, dramatique, pitoyable et pathétique. Un groupe de jeunes Togolais fuyant devant la mort, certains encore sous le choc de leurs parents assassinés devant leurs yeux, débarqua dans la maison de Monsieur Kokouvi MASSEME où j'avais trouvé refuge.

Blessés, avec des habits en loques ou maculés du sang de ceux qui ont reçu des balles à côté d'eux, en pleurs et en lamentations, ces jeunes ont rejoint la maison de Monsieur MASSEME et nous ont raconté ce qu'ils ont vécu, comment ils ont voulu se réunir avec des bougies pour demander un peu plus de lumière et de démocratie pour le Togo et la réponse obscure faite de morts, de blessures, d'écoulement de sang qui leur a été une fois encore réservée par les supporters de celui qui a toujours affirmé qu'il a pris le pouvoir dans le sang et qu'il le rendra dans le sang. C'était ahurissant. Pour sortir de cette situation, ces jeunes révoltés réclamaient des armes. Ils ne veulent plus se laisser tuer comme du gibier facile. Ils souhaitent avoir des armes et se battre d'égale à égale avec ceux qui tentent de les vaincre sans péril. Certains d'entre eux nous demandaient de les aider à retourner la même nuit pour aller en découdre avec les forces de la dictature. Je ne pouvais réfréner mon émotion, ma tristesse et bien sûr mes larmes mais en même temps je ne voyais pas comment on pouvait se procurer des armes pour tous ces jeunes et surtout comment on pouvait les remettre à des gens qui ne sont pas formés pour en faire usage.

Je mesurais dans le même temps l'illusion et la vanité de toutes les solutions que mon rôle de défenseur des droits humains et de Combattant non violent de la Liberté avait pu offrir à ce Peuple que j'aime et que je voudrais toujours défendre de toute ma Force, de toute mon Âme, de toutes mes Prières. Cependant, j'étais dubitatif à l'idée de comment répondre rapidement à tout cela avec les mêmes armes que l'oppresseur.

Devant mon scepticisme et mes hésitations face à ce que demandait cette jeunesse courageuse avec qui je compatissais, les jeunes m'ont rappelé que c'était quand même Jean Yaovi DEGLI qui avait été la cheville ouvrière des mouvements de revendications démocratiques de 1990 et 1991 et que le moment n'était pas venu de les abandonner à leur triste sort. Les tentatives de les raisonner sur la question de distribution des armes ont été accueillies par une chanson traditionnelle qu'ils se sont levés tous d'un seul coup pour me chanter comme un seul homme. Wunwoe Ma Viando, ameka Nuti Mavian do.

J'étais vraiment bouleversé et confus. Et je me suis retrouvé en ce moment précis en face de mes propres contradictions. Comment répondre à un Peuple qui se fait tuer et qui a besoin de sauver sa vie face à ceux qui ne comprennent que le langage des armes en lui prônant la non violence et le fait que vous défendez ses droits ? A quoi mon rôle de défenseur des droits humains servait-il dans le cadre de ces jeunes qui fuient devant la mort et dont personne n'entend le cri de détresse ?

L'analyse que j'avais conduite jusque là avec les amis avec qui je prendrai des décisions graves dans cette période est simple. Cette lutte, nous l'avons initiée et débutée les mains nues. Nous l'avons conduite avec nos paroles, nos plumes, nos tracts et dans la rue, sans violence aucune. Face à la violence de l'adversaire, nous avons répondu par notre détermination. Notre combat était pacifique et même pacifiste. Lorsque les premières balles ont commencé par faucher nos combattants, certains de nos jeunes, excédés, ont décidé de répondre par des jets de pierres. Combat de David face à Goliath. Mais l'ogre a continué de tuer, de tuer et de tuer encore.

Face à un adversaire politique devenu ennemi qui a le monopole de la violence, face à un pouvoir qui nous refuse le droit à la vie et qui, devant nos revendications et mouvements pacifiques, notre désir de Bien Être, ne nous offre que le chemin vers la mort, nous n'avons pas d'autres alternatives que de choisir la vie. Pour nous, plus qu'une situation de légitime défense, il s'agissait de vivre ou de survivre en aidant la plupart de nos compatriotes à sauver leur vie. Mais pour ce faire, dans la situation qui était celle du Togo, il n'y avait qu'un seul chemin : celui qui, malheureusement, passe par la mort. Dans le Togo, tel qu'il était à l'époque, on ne pouvait sauver la vie sans passer par la mort ou mieux, sans la côtoyer, sans la frôler. Face au régime de terreur qui a présidé aux destinées de notre pays durant la transition, nous avions compris que tous ceux qui voudraient sauver leur vie sans frôler la mort risquaient de la perdre et plusieurs l'avaient déjà perdue.

J'étais encore perdu dans les méandres de ces réflexions lorsque le Ministre MASSEME m'invita dans sa chambre pour consultations. Celui-ci me fit comprendre qu'en fait, dans une certaine mesure, Dieu avait répondu aux nombreuses questions que je lui posais durant mes jeûnes répétées que j'observais depuis que je suis arrivé chez lui. Dieu venait donc de nous donner une armée pour combattre la dictature et son cortège de morts.

Pour nous, dès cet instant, c'est comme si nous avions définitivement compris qu'il fallait trouver un moyen identique à celui du dictateur pour sauver la plupart de nos compatriotes de la mort. L'hésitation venait donc de faire place à la détermination. La Terre de Nos Aïeux nous a vus naître. S'il faut utiliser nos vies pour lui sauver la vie, s'il faut sacrifier nos vies pour aider nos compatriotes que l'on tue tous les jours à garder la leur, à survivre à la dictature, il faudra le faire. « N'attendons rien de notre pays que nous ne soyons prêts à lui donner et […] ne lui proposons rien que nous ne soyons en mesure de faire nous-mêmes ».

Comme si je n'avais plus besoin que de ce petit rappel pour franchir le Rubicon arme à la main, je fus convaincu et décidé après cet aparté avec mon ami. Nous sortîmes tout deux de sa chambre et une fois assis, puisque c'est par une chanson que ces jeunes nous ont obligés à céder à leur demande, le Ministre MASSEME décida de leur répondre par une autre chanson du terroir qui marquait notre accord pour aller à la lutte contre la dictature sur son propre terrain. Il entonna : Ago mayi Kpowe, tcha tcha ago mayi kpo woe

Mgr. Président,

Mesdames et Messieurs les Membres de la Commission,

Chers Compatriotes.

C'est aux confluents de ces deux chansons du terroir, l'une de lamentations, de pitié et de supplications ; l'autre de défi, de courage et de lutte qu'est née ce que je peux modestement appeler 'l'armée de libération du Togo du joug de la dictature ».

Ce 25 Janvier 1993 marquait donc l'aboutissement d'une longue période de réflexion personnelle et commune. Le message que nous apportaient les événements douloureux de ce jour et les propos de ces jeunes gens qui nous disaient qu'ils voulaient s'adosser à nous en constituant en même temps notre espoir d'une force combattante était clair.

Nous avons donc dû faire ce soir et définitivement le choix douloureux mais éclairé de prendre le parti du Peuple, de ne plus laisser tuer nos compatriotes, et de leur donner les moyens de mourir dignement, arme à la main si tant est que la seule réponse que la dictature devait continuer de réserver à tous ceux qui osent réclamer un peu plus de Liberté et de Bien Être ne peut être autre chose que la mort. Voilà comment de pacifiques et même de pacifistes que nous étions afin de préserver la Vie, beaucoup d'entre nous avaient finalement choisi la voie de la formation et de l'action militaires pour sauver la Vie.

Quelques jours après l'arrivée de ces jeunes gens dont les rangs seront grossis par les vagues successives et surtout celles du 30 Janvier 1993, le groupe fut obligé de quitter la maison de Kokouvi MASSEME et le premier camp a été créé. Il sera ensuite abandonné aux réfugiés civils et les combattants seront déménagés dans un endroit plus reculé à l'abri des regards indiscrets.

Voilà comment avec ces jeunes qui sont arrivés au Ghana le 25 janvier 1993 et les autres jours, nous avons dû mettre en place un mouvement de Combattants de la Liberté dénommé Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P.).

Je voudrais ici m'arrêter un instant et rendre hommage à Alphonse Kokouvi MASSEME. En dehors de Dieu, c'est à cet homme que nous devons en grande partie ce que nous avons pu faire au Ghana. C'est lui qui a eu le courage d'héberger les premiers réfugiés Togolais dans sa maison depuis le 3 décembre 1991. C'est cet homme d'un courage exceptionnel qui donnera également sa maison familiale pour servir de première base précaire et de premier camp de formation préliminaire à tous les jeunes qui deviendront finalement les Combattants de la Liberté. Quel que soit ce qu'on peut lui reprocher, Alphonse Kokouvi MASSEME est quelqu'un dont il faut reconnaître les mérites et surtout le patriotisme.

Je tiens maintenant à indiquer que ce mouvement n'a pas vu la participation du groupe dont Monsieur LOGO Hilaire Dossouvi affirme souvent qu'il était au Ghana. Ni LOGO Dossouvi ni son groupe qui se sont installés au Ghana uniquement après les événements du 25 Mars 1993, n'ont jamais fait partie de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie. La première fois que LOGO était venu me voir au Ghana c'était juste quelques jours après le 25 mars 1993.

L'action de ces groupes parallèles, installés dans un esprit de défiance et qui avaient souvent juré de tout faire pour nous faire échouer parce que ce n'est pas eux qui allaient avoir le mérite de nos actes nous sera très nuisible puisqu'il nous coupera de certaines aides précieuses, mais surtout nous empêchera de rééditer nos exploits et feront dresser les autorités du pays hôte contre nous à un moment donné pour désordre et divisions. Le moment n'est cependant pas venu de crever cet abcès en en livrant tous les détails. L'occasion nous sera donné de parler de cet épisode douloureux un jour avec tous ses tenants et aboutissants.

Notre mouvement n'a également rien à voir avec Monsieur Gilchrist OLYMPIO qui n'a jamais été impliqué dans cette organisation ni au début ni à un quelconque moment. Tout comme LOGO Dossouvi, c'est après l'action du 25 Mars 1993 que Gilchrist OLYMPIO nous avait contactés pour la première fois et qu'il avait souhaité nous rencontrer. Malheureusement, ses promesses de nous aider avec des véhicules et les moyens financiers dont nous avions besoin à cette époque ne seront jamais concrétisées. Il y a même eu pire mais je préfère laisser ces éléments pour plus tard car ce n'est pas le moment ni le lieu de parler de Monsieur OLYMPIO et des autres chefs de partis politiques qui nous ont fait des coups bas divers, certains allant jusqu'à vouloir monter les officiers militaires contre nous ou à utiliser leurs partisans pour torpiller toute action efficace contre le régime de notre part. Les accusations des autorités togolaises qui, aux lendemains du coup de force du 25 mars 1993, ont voulu voir la main de Monsieur OLYMPIO derrière ce mouvement ne sont donc que des accusations sans fondement.

Enfin, la Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P.) et les Forces pour la Libération de la Patrie, n'ont eu de contacts ni de rapports avec aucun parti politique. Il s'agissait d'un mouvement non partisan, impartial et neutre, qui se voulait indépendant vis-à-vis de toutes les formations et acteurs politiques. Le mouvement avait exigé que ses membres mettent en berne et même oublient leur appartenance à quelque parti ou formation politique que ce soit, le temps de se battre pour la Patrie, rien que la Patrie. La Terre de Nos Aïeux d'abord. Lorsque ce travail serait terminé, avions nous décidé, chacun pourrait retourner à ses activités partisanes ou adhérer à un parti politique.

Voilà, posé, Mesdames et Messieurs, le cadre dans lequel vont se dérouler les activités de ceux qui interviendront au Camp RIT le 25 Mars 1993. Du 25 Janvier au 25 Mars 1993, il avait fallu moins de deux mois de formation intensive des commandos. Une formation qui fut un véritable sacrifice de la part de ceux qui s'y étaient pliés, tant la route vers l'acquisition des capacités nécessaires à ces jeunes gens ressemblait à un calvaire, un véritable chemin de croix. Ce fut dur mais tous, ou presque tous, en dehors de quelques brebis galeuses qui ont trahi le groupe ou trahi leur serment en abandonnant le groupe, y ont réussi. En formant ces jeunes et les militaires qui en avaient besoin, que j'ai personnellement accompagnés dans chacun de leurs entraînements, puisque c'est moi-même qui les y conduisais en prenant la tête du cortège de véhicules, j'ai compris que notre pays pouvait avoir du courage et du génie, même là où on s'y attendait le moins. L'essentiel est de savoir les dénicher et les mettre en valeur.

Le 25 Mars 1993, face aux trois (3) divisions organisées (DO) qui gardaient le camp RIT, soit 450 personnes (une DO étant composée de 150 personnes), 12 de ces commandos triés sur le volet à la tête desquels le Lieutenant Vincent Djemba TOKOFAÏ feront la démonstration de ce qu'ils ont appris. Trois autres équipes de même composition étaient envoyées à la Radio, à l'aéroport, et au Camp Adidogomé tandis que quelques éléments étaient positionnés à des points stratégiques de la capitale et du pays.

Comme j'ai déjà eu à l'affirmer en 1996 dans mon premier ouvrage sur la lutte togolaise, Togo : La Tragédie Africaine ou Togo : Les Espoirs Déçus d'un Peuple , « Ce qui s'est passé le 25 Mars 1993 n'est rien d'autre que la manifestation de la détermination de ceux chez qui la rage a pris la place de la souffrance, la dignité a succédé à l'humiliation et qui ont substitué les armes aux lamentations ». Lorsque l'on n'a plus rien à perdre et qu'on se bat simplement pour un idéal qui s'appelle la Vie, on peut en arriver à étonner, on peut faire des merveilles.

L'orientation de ce mouvement était toutefois claire. Dans la mesure où notre philosophie était d'utiliser nos Vies pour sauver des Vies, et que notre objectif était de tout faire pour éviter la mort de nos compatriotes, il fallait éviter de semer la mort et la désolation lors de nos opérations quelles qu'elles soient et où qu'elles se déroulent.

Lors des opérations au Camp RIT où les Forces pour la Libération de la Patrie ont véritablement eu à faire usage de leurs armes, il y a eu très peu de morts. Deux morts et un blessé ont été clairement identifiés cette nuit là. Les autres morts sont ceux faits le petit matin du 25 mars par les règlements de comptes et exécutions sommaires conduits par les partisans du Général. Le premier mort fut le soldat qui était sur le mirador Sud du camp et qui a eu à tirer sur nos troupes lorsque celles-ci attaquaient la résidence du Président EYADEMA. Dans une réaction instantanée, un des Combattants de la Liberté l'a descendu.

Un autre événement à signaler est que les membres du Commando qui n'avaient que des grenades avant d'entrer au camp se sont vus remettre leurs armes par des soldats des Forces Armées Togolaises (FAT) qui leur ont affirmé ne pas vouloir mourir pour ceux avec qui ils n'ont rien bouffé. Le magasin des armes du camp avait été pratiquement mis à la disposition du commando par ceux qui en étaient gardiens cette nuit là. C'est dire combien ces militaires eux-mêmes en avaient assez du régime en place et de ses pratiques.

Après cette opération, nous n'avions pas entendu deux jours avant de reprendre les entrainements plus intenses et plus durs encore avec l'intention d'intervenir entre le 1er mai et le 15 juin 1993. En effet, si le régime avait été surpris le 25 mars 1993, désormais, il était averti. Nous ne bénéficierons plus de l'effet de surprise. Il fallait donc d'autres tactiques et des moyens plus importants. Les jeunes Combattants de la Liberté n'ont pas démérité dans les sacrifices à consentir pour ce faire.

Avant de passer aux allégations de Monsieur PLANITEYE et aux conséquences du coup du 25 Mars 1993 sur l'évolution du processus démocratique alors en cours, je voudrais rendre un devoir à la vérité. Il s'agit notamment de la mort du Général Mawuliklpimi AMEYI et de la blessure du Commandant AKPO. En effet, on a souvent affirmé que c'est le Général EYADEMA ou ses partisans qui ont fait assassiner le Général AMEYI. Cela n'est pas exact. Voici les circonstances de la mort du Général AMEYI.

Lors de l'opération du 25 Mars, alors que les combattants des Forces Pour la Libération de la Patrie étaient en train de tirer autour de la villa du Général après avoir cherché en vain l'intéressé dans sa chambre, le Général AMEYI dont la villa n'est pas loin de celle du Président EYADEMA sortit en peignoir accompagné du Commandant AKPO Gnandi alors chef de la Garde Présidentielle. Il interpella les combattants et par respect pour cet officier que les Forces pour la Libération de la Patrie ne considéraient pas comme un homme dangereux, le Lieutenant Vincent DJEMBA TOKOFAÏ fit cesser le feu et un pourparler fut entamé avec le Général. Celui-ci informa donc les combattants de ce que le président EYADEMA n'était pas dans sa villa.

Mais au moment où la conversation se terminait, sans que l'on ne sache pourquoi, le Général AMEYI sortit une arme de son peignoir et tira sur un des commandos qui est un jumeau et était dans le groupe avec son frère. Ce commando était un tireur de lance roquette et son binôme protecteur était son jumeau. La balle frôla la joue et l'épaule de ce commando qui était accroupi. Son second jumeau ouvrit le feu et atteignit mortellement le Général alors qu'une des balles blessa le Colonel AKPO Gnandi qui n'avait pas succombé à ses blessures. Voilà comment le Général AMEYI est décédé. Il était indispensable, pour la manifestation de la vérité et pour aider le travail de la Commission que cet épisode soit éclairé.

Je ne vous parlerai pas des diverses tentatives de certains hommes politiques togolais désireux de récupérer le mouvement, de nous diviser et de monter les militaires contre les civils ou paramilitaires, ni de comment à la demande d'un chef d'Etat africain qui souhaitait nous aider après le coup du 25 mars 1993, un des hommes politiques Togolais a préféré envoyer les jeunes de son parti politique nous dénigrer auprès de cette personnalité et que ces jeunes ont irrité obligeant ledit Chef de l'Etat écourter leurs élucubrations de préparation d'un meilleur coup à venir par quelques billets de banque qui finiront par avoir raison de leur mouvement.

Je ne crois pas non plus nécessaire de m'étaler sur la situation des hommes politiques qui ont retiré les vivres qu'ils voulaient nous envoyer parce que nous leur avions fait comprendre qu'ils ne pourraient pas aller visiter le camp des commandos comme ils l'avaient souhaité motif pris de ce qu'ils voulaient eux-mêmes distribuer leurs vivres à ces commandos. Je ne vous parlerai pas de l'attaque des 4 et 5 janvier 1994 qui ne font pas partie de ce qui m'a conduit ici devant la Commission même si ce sont les éléments de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie qui l'ont conduite pendant que je n'étais plus au Ghana.

Nous nous arrêterons donc là pour aborder les déclarations de Monsieur PLANITEYE.

II- Le Redressement des Contre Vérités de Monsieur PLANITEYE

Comme j'ai déjà eu à le dire dans mon communiqué du 10 Novembre 2011, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt mais aussi avec ahurissement, les propos tenus par Monsieur PLANITEYE le jeudi dernier devant cette Commission.

A titre préliminaire, je voudrais informer chacun que Monsieur PLANITEYE que je connaissais de très loin et moi-même ne sommes pas amis et n'avons jamais travaillé ensemble dans le cadre de la lutte pour la démocratie au Togo. Dans ces conditions, les allégations de ce Monsieur concernant ce que j'aurais fait ou voulu faire dans tel cadre ou tel autre ne sont que des fruits de l'imagination de l'intéressé.

Ensuite et en venant aux déclarations proprement dites, relativement à la présence dans un camp de réfugiés et au fait de vivre dans la même zone que Monsieur PLANITEYE, je tiens à indiquer que je n'ai jamais vécu dans un camp de réfugié au Ghana et que Monsieur PLANITEYE et moi n'avons jamais été dans le même environnement. Durant mon exil au Ghana, j'ai toujours vécu soit dans des maisons que j'avais personnellement loués, soit chez des connaissances. Je n'ai donc jamais habité ni au camp de SATCHIMADJA ni dans un autre camp où étaient hébergés des Togolais.

Sur les persécutions dont il dit avoir été victime, n'ayant pas connu Monsieur PLANITEYE parmi les Combattants de la Liberté et n'ayant jamais travaillé de près ou de loin avec lui ou vécu avec lui, je ne saurai dire où, quand et comment il a subi ces brimades dont il parle et qui exactement l'a persécuté ou accusé de quoi que ce soit. La seule chose que je sais est que tous ceux qui fréquentaient le sieur PLANITEYE et que j'ai jamais rencontrés ont toujours parlé du comportement paranoïaque de l'intéressé, et de la mémoire très fertile d'un homme qui est toujours prêt à sortir les plus inimaginables de son imagination mais aussi d'un homme qui aime lier tout au tribalisme, aux conflits Nord/Sud ou Kabyè-Ewe.

Relativement aux gens qui auraient été arrêtés, détenus ou maltraités dans le camp des commandos, il s'agit d'allégations totalement mensongères, en tous cas pour la période où j'ai été personnellement au Ghana. En effet, j'ai quitté le Ghana en Septembre 1993 et suis revenu en décembre de la même année pour quelques jours seulement.

Pendant la période de ma présence au Ghana, la seule personne qui a été arrêtée à ma connaissance fut un agent de la Sûreté Nationale soupçonnée de venir espionner les mouvements et actes des forces de Libération de la Patrie. J'ai personnellement demandé qu'il ne lui soit fait aucun mal et qu'il soit simplement bien surveillé car à partir du moment où il avait été mis hors d'état de nuire, c'était largement suffisant. J'ai expliqué à cette occasion aux membres des Forces de Libérations de la Patrie que notre rôle n'est pas de détruire la vie de nos compatriotes mais plutôt de la protéger.

Il n'était donc pas question de toucher à la vie d'une personne qui n'était pas en situation de combattant. Les autorités du pays hôte qui nous supervisaient m'ont sérieusement reproché cette attitude qu'ils considéraient comme naïve et non-conforme à l'esprit de commando ni de rébellion. Il n'en demeure pas moins que je n'ai personnellement pas varié dans ma position à ce sujet.

La seule situation dont j'ai eu connaissance après coup et qui m'aura énormément troublé est celle d'un jeune homme qui aurait été soupçonné pareillement d'espionnage et arrêté dans les alentours du camp de commando à un moment où j'étais en consultation ou pour retirer du matériel à Accra. Ce monsieur aurait été arrêté et comme il a fait les arts martiaux, il s'était battu avec les commandos et a réussi à échapper. Il aurait alors été abattu.

Quand j'ai appris les nouvelles après mon arrivée, j'ai approché les autorités du pays hôte pour demander des enquêtes parce que les événements me paraissaient flous. On me fit comprendre que n'étant pas moi-même parmi les autorités locales, je devais laisser les autorités locales faire leur travail et ne pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. J'ai reçu plus tard les parents de ce monsieur et leur ai expliqué la situation telle que je l'ai apprise.

Ensuite, Monsieur PLANITEYE parle de véhicule bâché qu'il aurait remis à des Combattants de la Liberté au Ghana et qui aurait servi à aller au Camp RIT chercher le général EYADEMA le 25 mars 1993. Je n'ai jamais personnellement été informé de cette histoire de véhicule. La seule histoire de véhicules concernant Monsieur PLANITEYE et dont je suis au courant est celle de deux (2) voitures de marque Hyundai appartenant en réalité à la société LONATO que l'intéressé avait fait faussement passer pour les siens propres et demandé à l'ancien ministre Kokouvi MASSEME de trouver des gens pour aller lui récupérer à Lomé afin qu'il les donne pour servir aux opérations des Combattants de la Liberté au Ghana. Monsieur MASSEME s'est débrouillé pour faire difficilement parvenir les deux véhicules au Ghana. Une fois les véhicules sur le sol ghanéen, le sieur PLANITEYE a changé d'avis, niant avoir jamais voulu remettre ces véhicules au service de la lutte contre la dictature. En conséquence, il s'est attaqué à Monsieur MASSEME, a récupéré les deux véhicules en question qu'il a vendus et dont il a utilisé les produits de la vente pour ses besoins personnels.

Relativement à la fille que Madame Lydia ADANLETE née SANTANA aurait eue avec le général EYADEMA et qu'on lui aurait confiée, il s'agit là aussi des affabulations. En effet, un jour, alors que j'étais absent de mon domicile à Aflao, Monsieur PLANITEYE et Monsieur Flavien JOHNSON que je n'avais jamais reçus ni vus chez moi au Ghana se sont introduits dans ma maison avec une demoiselle au motif qu'ils allaient en Côte d'Ivoire et souhaitaient me rencontrer. A mon retour, mes gardes m'ont informé de ce que les deux messieurs se sont introduits chez moi avec la fille du Général EYADEMA. Je n'ai pas apprécié cet acte et surtout le fait d'introduire dans mon lieu de refuge, l'enfant de celui là même que je fuyais et je l'ai reproché plus tard à Monsieur Flavien JOHNSON par le biais de son cousin, oncle ou ami feu Kodjovi Emmanuel De SOUZA.

Pour ce qui est de la direction du mouvement et de son programme, les allégations de Monsieur PLANITEYE sur celui qui allait diriger le pays après le coup et notamment que Jean DEGLI allait être président, étaient complètement fausses. En effet, la ligne était claire. Il fallait la Démocratie et l'Etat de Droit et rien d'autre. Pour cette raison, une fois le régime renversé, le pays devait être dirigé par un Comité de Libération Nationale composé de sept (7) membres. Ce Comité était composé de militaires et de civils ou paramilitaires avec un porte parole dans le rôle de premier responsable. Il ne devait être soumis à aucun parti ou formation, ou même tendance politique. Son rôle serait de diriger le pays pendant une période de transition d'un an au cours de laquelle il organiserait des élections libres et transparentes auxquelles ne devait participer aucun de ses sept (7) membres. Il s'agissait en clair de refaire ce que la Transition issue de la Conférence Nationale avait raté. Nous disposons des textes à cet effet.

C'est justement pour ces raisons d'indépendance, de franchise vis à vis le Peuple que le mouvement ne voulait avoir de contact avec aucun parti ou une formation politique et avait interdit l'accès de ses camps à tout homme politique.

Pour ce qui concerne les paiements aux militaires qu'on aurait voulu rémunérer comme des mercenaires, Monsieur PLANITEYE ne sait sûrement pas de quoi il parle. Malgré le fait que certains des militaires se promenaient pour collecter de l'argent chez des hommes politiques dont ils viennent raconter ensuite qu'ils veulent les manipuler, je leur ai payé ou fait payer un salaire mensuel et suis intervenu en dehors de cela à chaque fois qu'ils avaient besoin de moyens. Que ce soit au niveau de la réparation de leurs véhicules, du carburant, de leur santé ou de celle de leur famille, aucun effort n'a été ménagé. Leur missions étaient assurées rémunérées sur tous les plans. Nos livres de comptes et les cahiers dans lesquels ils émargeaient sont encore là pour en témoigner. Personne d'entre eux n'a jamais été payé comme un mercenaire. Ils l'ont tous été comme des membres de forces régulières, tous les mois et le matériel dont ils ont eu besoin pour chacune de leurs opérations n'a jamais manqué. Les dernières dettes avoisinant près de 2 millions de dollars qui reste et qui sont payées à ce jour témoignent des efforts qui ont été faits pour assurer l'efficacité de l'opération.

Quant aux accusations qui auraient été portées contre Monsieur PLANITEYE d'être celui qui a fait échouer la tentative de renversement de la dictature le 25 mars 1993, l'intéressé raconte une fois encore des histoires. En effet, Monsieur PLANITEYE n'était nullement proche des protagonistes de ces événements et ne vivait même pas dans leurs alentours immédiats pour être accusé de quoi que ce soit. Peut-être que l'intéressé fréquentait parfois le Capitaine KANAKATOM, ce que je ne saurais connaître puisque Christian KANAKATOM et moi n'avons d'autres rapports que ceux professionnels dans le cadre de nos activités. Personne n'a jamais accusé M. PLANITEYE de quoi que ce soit dans cette affaire. La seule personne qui ait été accusée de l'échec de ces événements est le Capitaine Christian KANAKATOM lui-même, situation dont il sera question en détails plus loin.

Pour ce qui est des allégations de « coup dans le coup » et de la prétendue tentative d'assassiner le Colonel Vincent TOKOFAI ou un autre pour faire remplacer les militaires à la tête des opérations par le Colonel TEPE, une fois encore, il s'agit d'affabulations. Les contorsions et entourloupettes auxquelles s'est livré l'intéressé lors des questions de Mgr. Président ainsi que les réponses évasives qu'il a données aux diverses interrogations montrent très bien que l'intéressé était en train de mentir de façon éhontée.

En effet, premièrement, le Colonel TEPE qui a été assassiné innocemment par les proches du Général EYADEMA le 25 mars 1993 parce qu'il avait été le seul à oser dire au défunt Président togolais après le 5 Octobre 1990 que les militaires ne peuvent pas soutenir le RPT et doivent donc demeurer neutres en cas de démocratie, n'a jamais été mêlé de près ou de loin aux événements du 25 mars 1993.

De plus, je ne connais pas personnellement feu le Colonel TEPE et ne l'ai jamais rencontré. Le seul officier militaire de la région de Kloto que j'ai jamais rencontré de ma vie est le général Mawulikplimi AMEYI que j'ai rencontré en sa qualité de ministre de l'intérieur et « d'aîné » lorsque suite aux événements du 5 octobre 1990 et de mes activités en faveur de la démocratie, le Général président lui avait demandé de me rencontrer ensemble avec le Président de la Cour Suprême Atsou Koffi AMEGAH. Leur mission était de me raisonner et me dissuader de mon activisme en matière des droits humains et de la démocratie pour me convaincre d'aller travailler avec le régime. Ce fut en novembre 1990 à la suite de la pétition revendiquant la démocratie et le multipartisme que l'Association Togolaise de Lutte contre la Torture (ATLT) dont je suis président avait fait signer par près de 500 Togolais et envoyée au Président EYADEMA. C'est à la suite de cette tentative de récupération manquée que le Général Président m'avait convoqué en décembre 1990 dans ses bureaux à la présidence et qu'en présence du Général AMEYI et de Monsieur Gbegnon AMEGBO, il m'avait menacé et sorti son pistolet pour taper sur la table. C'est le jour où le Président de la République m'avait dit de ne pas le monter parce qu'il n'est pas un escalier et m'avait dit que c'est lui qui assure la sécurité dans le pays et que ceux qui me protégeaient ne pouvaient rien pour moi s'il voulait m'avoir. Il pensait à l'époque aux américains. Si tu me cherches, tu vas me trouver me dira-t-il pour terminer.

Deuxièmement, Monsieur PLANITEYE reconnaît lui-même que nous avions affirmé ne plus vouloir de militaires à la tête du Togo. Ce qui est vrai et qui avait fait l'unanimité entre militaires et civils ou paramilitaires du Comité National de Libération. Comment expliquer alors que dans le même temps, on veuille assassiner les militaires avec qui ont agissait pour faire encore appel à un autre militaire pour venir diriger le mouvement ou même le pays après l'opération ? Le Lieutenant Vincent TOKOFAÏ était parti à sa mission avec 11 autres personnes dont tous devaient lui être fidèles et lui obéir aux doigts et à l'œil s'agissant d'une opération commando et pour la réussite de sa mission. En tant que chef du commando du camp, c'est lui qui avait l'appareil de transmission qui lui permettait de communiquer avec l'Etat Major de l'opération. Qui de son commando était censé l'assassiner ?

Comment allait-il procéder au cas où il arrivait à assassiner le Lieutenant, pour maîtriser le reste du groupe et confier le commandement de celui-ci au Colonel TEPE ? Comment l'officier de liaison avec l'autorité du pays hôte qui était désigné chef de l'Etat Major comprendrait-il une telle situation et l'expliquerait-il ?

Lorsque l'on pose la question à Monsieur PLANITEYE sur la façon dont le Colonel TEPE allait communiquer avec moi, il parle de coup de fil. J'attire l'attention de la Commission et de mes compatriotes sur le fait qu'à cette époque, il n'y avait pas de téléphone portable qui n'apparaîtra chez nous que dans les années 2000. TEPE allait-il m'appeler du téléphone du camp RIT qui est une ligne surveillée ? M'appellerait-il d'une ligne extérieure et si oui, où me joindrait-il puisque dans l'endroit où était fixé l'Etat Major du mouvement cette nuit là il n'y avait pas de téléphone mais uniquement des talkies walkies ?

Troisièmement, Monsieur PLANITEYE affirme que le Colonel TEPE aurait enregistré une proclamation de coup de force qui aurait été remise ou vendue par un traitre à EYADEMA. Cette idée est invraisemblable. En effet, les organisations des droits humains et la communauté internationale toute entière ont toujours accusé le régime d'avoir fait exécuter sommairement un innocent, parlant du Colonel TEPE. Si le régime avait une telle cassette, il l'aurait brandi pour montrer que l'assassinat de TEPE n'est pas un règlement de compte et pourquoi pas faire croire que celui-ci aurait été tué dans le feu de l'action. Pour moi, cette cassette n'a jamais existé et vient de l'imagination de PLANITEYE et de ceux qui veulent justifier l'assassinat sauvage d'un innocent.

Par ailleurs, si le Général EYADEMA avait déjà eu vent qu'un coup allait se perpétrer le 25 mars 1993, comment se fait-il qu'il n'ait pas déjoué ce coup ?

Quatrièmement, l'idée d'assassiner les militaires après le coup du 25 mars pour donner le pouvoir au Colonel TEPE et à ma personne, relève aussi de l'affabulation et n'a jamais existé ni d'Adam ni d'Êve. Le Lieutenant Vincent TOKOFAÏ a été toujours avec les Combattants de la Liberté dont il était le responsable jusqu'à son assassinat au Ghana par les hommes de main du régime Togolais le 27 Juillet 1995 alors que l'intéressé et moi-même étions en contact jusqu'à sa mort. Tous les membres de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P) et tous autres qui avaient réellement participé à la lutte pour la libération du Togo du joug de la Dictature pourraient certifier ces informations.

Après les événements du 25 mars 1993, il a continué, à mes côtés et avec d'autres, à préparer les Forces de la Libération de la Patrie pour d'autres opérations. Si l'on n'avait pas eu ces prétendues forces parallèles de Togolais qui sont venus avec l'intention de saboter et torpiller tout ce que nous faisions et qui n'hésitaient pas à inonder Lomé de tracts ou de rumeurs indiquant que nous nous apprêtons à intervenir bientôt, histoire de mettre le régime en alerte avec positionnement des éléments sur la frontière, les Forces de Libération auraient pu conduire une autre action en mai ou 1993.

De plus, le jour où LOGO a intercepté en chemin les professionnels étrangers qui étaient parmi nous pour leur dire faussement que l'opposition m'avait remis 600 millions pour leur partager, que j'avais retenu ladite somme par devers moi pour mon usage personnel et qu'ils fallait qu'ils aillent chez moi à domicile avec des armes pour récupérer cette somme d'argent, sachant pertinemment que cette situation allait dégénérer en bain de sang entre mes gardes et ces professionnels et peut-être à ma mort, c'est le Lieutenant Vincent Djemba TOKOFAÏ qui a désamorcé cette bombe au dernier moment. Il a ensuite amené les professionnels me présenter leurs excuses quand j'ai appris l'histoire. Si Vincent avait un seul instant soupçonné une trahison de notre part ou de ma part, il n'aurait jamais posé un tel acte et surtout continué de travailler avec nous.

J'avais tout fait pour faire sortir TOKOFAÏ du Ghana qui était devenu trop dangereux pour nous tous. Téméraire et aussi audacieux, deux défauts de ses grandes qualités, Il n'a pas voulu quitter et essayait toujours de repousser son départ vers la France ou le Burkina Faso que j'avais planifié avec Don Carlos, Jacob Têvi LAWSON et son frère qui était en France. Hélas, des gens ont profité de sa témérité et de son courage mais ont tôt fait de le critiquer le jour où les balles meurtrières des forces du mal l'ont emporté. Vincent que j'appellerai toujours « le premier de nous tous » avait compris plus que nous tous que nous ne devons rien demander à notre pays que nous ne soyons en mesure de lui offrir. Il a offert sa vie au Togo. Paix à son âme.

Relativement à la cassette que PLANITEYE a fait écouter à la CVJR et qu'il a brandi comme la un trophée et preuve de ce qu'il était au cœur des événements, cela ne représente pas la preuve d'une quelconque proximité du coup. Tous les Togolais qui suivaient les médias nationaux se rappelleront qu'à la veille des élections du 25 août 1993, le régime avait soi-disant intercepté un prétendu commando composé de deux (2) personnes, en l'occurrence Monsieur Bertin FOLI (directeur du journal La Parole) et une autre personne. Ces deux prétendus « assaillants » ayant réussi à échapper à nos forces de l'ordre, auraient laissé entre les mains de celles-ci une cassette contenant une proclamation de coup de force.

Cette cassette sera jouée aux diplomates et à la presse internationale dès le lendemain dans le cadre d'une conférence de presse organisée par le ministre des affaires étrangères d'alors, Monsieur Fambaré Ouattara NATCHABA. Quelques jours après, nous avons fourni aux mêmes diplomates et à la presse internationale, la communication du commandant de la Gendarmerie, le Colonel WALLA, indiquant à ses agents d'apporter la cassette dans les studios de la Radio Lomé pour la travailler afin qu'elle puisse ressembler à ma voix puisque la voix sur ladite cassette ressemblerait à la mienne mais était trop grave pour pouvoir convaincre ceux qui ont entendu ma voix à la Conférence Nationale et en tant que Porte Parole du Gouvernement et qui en connaissaient le timbre. Je rappelle qu'au moment où cette prétendue cassette avait été saisie, je n'étais même pas au Ghana. J'étais en mission en Côte d'Ivoire d'où je ne reviendrai que plusieurs jours plus tard. Que Monsieur PLANITEYE ait cette cassette entre les mains et qu'il dise l'avoir reçu du Capitaine Christian KANAKATOM qui l'a retenue au lieu d'en faire l'usage à laquelle elle était destinée ne lui donne donc aucun rôle proche des Forces pour la Libérations de la Patrie.

Monsieur PLANITEYE a parlé de ramener la tête du Général EYADEMA. Lui seul sait où il a obtenu ces informations. En effet, la philosophie du mouvement sur le plan du coup était claire. Notre philosophie étant de préserver la vie, faire un coup le moins sanglant possible et éviter autant que faire se peut de faire des morts. Il était donc question dans la stratégie d'arrêter le Général EYADEMA de façon à ce qu'il puisse faire face à la justice. Cela devrait non seulement permettra de lui faire répondre des crimes commis sous la dictature, mais aussi de pouvoir identifier et faire saisir et ramener au pays les biens détournés. Cela devait également permettre de donner l'exemple et de ne plus jamais avoir ce genre de situation politique de terreur dans notre pays. Toutefois, l'avis des militaires était qu'une fois le coup réussi, et compte tenu de la mentalité militaire et surtout de celle des fidèles d'EYADEMA, il fallait annoncer sa mort dans la proclamation afin de décourager toutes velléités de résistance de la part de ceux qui souhaiteraient éventuellement résister ou s'opposer au coup. La tête d'EYADEMA n'intéressait donc pas les membres du Comité de Libération Nationale ni ceux de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie.

Relativement à l'échec de l'opération, voici la version la plus connue de nous tous acteurs de ces événements. Durant la préparation de l'action, lorsque nous avions lancé les enquêtes de moralité et de personnalité sur chacun des membres du Comité de Libération Nationale, tout comme nous l'avons fait pour les jeunes qui voulaient faire partie des troupes de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie (J.L.P.), nous avons écarté ou mis en quarantaine ceux qui étaient trop porté sur l'argent ou sur les femmes.

C'est ainsi par exemple que nous avons dû mettre à l'écart le Capitaine OGOU qui était l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé parmi ceux qui avaient été autour du Premier Ministre KOFFIGOH et que les événements du 3 Décembre 1991 avaient contraint à l'exil. Bien qu'ayant été informé que le Capitaine OGOU avait été le premier à déserter le camp de la défense du premier Ministre KOFFIGOH et qu'il avait quitté avant même que les combats ne commencent le 3 Décembre 1991, nous avions accepté de le laisser dans les rangs des Combattants de la Liberté et de le maintenir comme responsable des militaires. Malheureusement, le Capitaine OGOU se révèlera être incapable de concevoir un plan d'action tandis qu'il représentait un véritable gouffre financier qui s'inventait des missions avec des nombreuses dépenses qui n'aboutissaient jamais à rien.

Lorsque nous avons ensuite appris que les quelques armes dont disposait le groupe à l'époque étaient gardées par devers lui et lui servaient à impressionner les femmes à qui il les exhibait en leur ventant le fait qu'il allait bientôt devenir président au Togo, nous avons, avec l'appui des autorités du pays hôte, subrepticement écarté l'intéressé des actions sans l'en informer. Stratégie militaire oblige.

D'autres ont été également mis en quarantaine à cause d'un penchant excessif pour l'argent, pour problème d'efficacité ou de non motivation. Ce fut le cas du Capitaine MBETA qui, dès le début, et malgré quelques règlements pécuniaires qui lui avaient été faits pour ses fins de mois, n'a pas été retenu pour des raisons de motivation et d'efficacité. Pendant des années, la Capitaine MBETA a été utilisé par le régime togolais pour parler de moi à chaque anniversaire de cet événement. Je tiens à dire que le capitaine MBETA n'a jamais mené ni opérations, ni réflexions avec nous et que lui et moi nous sommes vus à Accra juste une ou deux fois pendant moins de cinq (5) minutes chaque fois.

En ce qui concerne le Lieutenant AGBELE, il fut écarté à la suite de l'opération du 25 Mars 1993 pour avoir refusé de participer à l'opération pour cause de maladie considérée comme imaginaire.

S'il est vrai que certaines de ces décisions ont été prises uniquement entre notre superviseur du pays hôte et moi-même, il n'en demeure pas moins que quand on s'est un tant soit peu frotté à la chose militaire on sait que lorsque l'on va risquer sa vie, il ne faut jamais le faire avec ceux dont les comportements leur font colporter la mort. Et à moins de vouloir jeter de l'argent par les fenêtres, les moyens matériels et financiers importants mis en œuvre exigeaient des décisions efficientes.

Si donc ces officiers ont pris ombrage de leur mise à l'écart, qu'ils trouvent ici toutes mes excuses.

En ce qui concerne le Capitaine KANAKATOM, officier de transmission, en dehors du fait que chacun s'était rendu compte qu'il était un peut trop porté sur l'alcool et aimait rencontrer des responsables politiques en violation des prescriptions du mouvement même s'il nous informait après coup de ces rencontres, le Comité avait eu des informations alarmantes à partir de son enquête de personnalité et de moralité. C'est ainsi que le Comité fut informé que l'intéressé fut à un moment donné le Chef des cérémonies spéciales en pays Losso et que lorsque le Général EYADEMA devait recevoir certaines cérémonies spirituelles en pays Losso, il fut le maître de cérémonie. Cette situation mettait en réalité le Capitaine KANAKATOM en situation de protecteur du Général Président dont il avait été le maître initiateur même si ce dernier n'avait pas vu son visage lors des cérémonies. L'intention fut donc de le tenir dans un rôle qui le mettrait le moins possible en porte à faux avec son rôle d'initiateur du Général Président à qui, sur le plan spirituel, il n'avait pas le droit de faire du mal. Cependant, lors des consultations, le Lieutenant Vincent Djemba TOKOFAÏ qui vouait un grand respect à KANAKATOM nous fit savoir qu'il avait également initié par le Capitaine KANAKATOM et qu'en tant que tel, il lui devait respect et loyauté. Il ne pouvait donc ni se désolidariser de lui ni agir sans lui, étant lié à lui par un certain pacte. Il promettait de l'aider à limiter son goût pour l'alcool et nous rassura sur le fait que l'initiation qu'il avait donné au Général ne l'empêchait pas de se battre pour sa propre libération puisque c'est son propre initié qui le contraignait à l'exil. C'est sur ces assurances que nous avions accepté d'intégrer le Capitaine Christian KANAKATOM dans le cercle des conjurés et dans le Comité de Libération Nationale.

Hélas, nous nous rendrons compte plus tard que ce fut une erreur. En effet, le jour de l'opération du 25 Mars 1993, le rôle du Capitaine Christian KANAKATOM était simple. Il s'agissait uniquement d'aller mettre hors d'état de fonctionnement la centrale de Communication de l'armée qui était installée sur le sommet de l'hôtel du 2 Février et ainsi d'empêcher que des renforts puissent être appelés de l'intérieur du pays pour venir au secours du camp RIT au moment où nous sommes en train de traquer le Général-Président. Il s'agissait de couper la communication entre les différentes unités de l'Armée.

Le Capitaine KANAKATOM avait beaucoup peur pour cette opération que nous considérions comme une des plus simples et faciles dans l'ordre des actions de cette soirée et pour laquelle nous étions prêts à engager des membres du corps des jeunes paramilitaires ou civils formés aux actions commando. Il avait tellement d'appréhension qu'à la dernière minute, nous dîmes dépêcher pour l'assister et l'aider, celui qui était mon ordonnance personnelle et s'occupait de l'organisation de ma garde. C'est avec ce dernier qu'il passa la nuit. A son lieu de cachette à Lomé. Comme je l'ai expliqué dans mon ouvrage, Togo : la Tragédie Africaine, c'est devant ce dernier que quelques minutes avant le début de l'opération alors que les forces étaient en train de rallier leurs divers point d'intervention, le Capitaine Christian KANAKATOM appela, à quelques minutes de l'opération, une personne censée être son cousin. Mon aide de camp et lui faillirent en arriver aux mains pour ce coup de fil impromptu et en tous les cas, absolument inadmissible à quelques minutes d'une opération aussi importante.

La deuxième anomalie dans l'attitude du Capitaine KANAKATOM est qu'envoyé pour détruire le système de transmission de l'Armée au dessus de l'hôtel du 2 Février, celui-ci n'a rien fait et s'est soigneusement gardé de porter un quelconque coup à cette centrale de transmission. Interrogé plus tard par le Comité sur cette situation, le Capitaine KANAKATOM nous fit savoir que cette Centrale a coûté tellement cher qu'au dernier moment, il avait pensé qu'au lieu de la détruire, il valait mieux la laisser pour que nous nous en servions une fois le régime renversé. Bien évidemment, l'explication ne convainquit personne.

La troisième chose qui, dans l'attitude du Capitaine KANAKATOM jettera des soupçons sur son attitude au cours de la nuit de l'opération est la suivante.

La Capitaine avait une mission précise et d'autres avaient aussi la leur. L'équipe qui devait prendre la radio était dirigée par le Commandant BOULA, un de nos grands professionnels dans les opérations de coup de force et de guérilla. C'est à ce dernier qu'avait été remise la cassette de la proclamation relative au coup d'Etat. Avant son départ, le Capitaine KANAKATOM, à l'insu du Comité, prétendant qu'il était l'officier de transmission et qu'il connaissait mieux la radio Lomé, lui prit la cassette de la proclamation en lui promettant qu'il le rejoindrait à la radio pour faire passer la proclamation. La Commandant BOULA qui avait été amené au camp par mon chauffeur personnel et ses hommes prirent à peine 20 minutes pour maîtriser la Radio. Lorsqu'il appela le Capitaine KANAKATOM pour aller lui remettre la déclaration à passer sur les ondes, celui ne répondit pas et n'est jamais arrivé et cela malgré les insistances et manifestations de colère de son assistant de cette nuit, mon aide de camp.

A ce jour, le Capitaine KANAKATOM n'a jamais réussi à expliquer pourquoi il a retiré la cassette de la proclamation d'entre les mains du Commandant BOULA et pour quelle raison il avait soigneusement évité ensuite de se rendre à la radio pour faire passer ladite proclamation.

La situation des renforts est intimement liée à celle-ci-dessus décrite. En effet, une fois que le Lieutenant TOKOFAI a informé l'Etat Major que le camp était sécurisé même si le Général Président n'avait pas été trouvé, que le commando de la radio et de l'aéroport ont fait savoir qu'ils avaient la maîtrise de leurs sujets et des lieux, il avait été question d'envoyer les renforts comme prévu même si celle promise par le pays hôte n'était pas arrivé. Les renforts constitués par les forces d'appui de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie qui avaient quitté leur base et étaient donc arrivés à l'Etat Major dès le début de l'opération attendaient donc l'ordre de rejoindre Lomé et faire jonction avec les diverses forces sur le terrain. Ceux qui devaient aller plus loin dans le pays attenaient encore à la base. Mais là, l'officier de liaison que nous avait donné le pays hôte pour superviser les opérations refusa catégoriquement de nous laisser acheminer les renforts.

Pour ce faire, il évoqua deux arguments. Premièrement, tant que le Général Président n'a pas été trouvé et arrêté il craignait des représailles contre nos forces sur le terrain et contre son pays. Deuxièmement, dans la mesure où nos forces à la Radio n'ont pas passé la proclamation et ne savent même pas où se trouvait la cassette de ladite proclamation puisque le Capitaine KANAKATOM ne répondait pas, il valait mieux replier et mieux se réorganiser au lieu de persister et de foncer la tête dans le mur. De ma vie et des lectures sur l'histoire des coups de force, je n'ai jamais entendu ni vu cela. Nos propositions d'envoyer la cassette secours de la Proclamation à la Radio ou d'aller le faire de vive voix furent rejetées. Ce fut alors un clash entre nous car nous n'étions pas d'accord sur cette conception des choses et qui plus est, ce n'était pas là l'accord qu'il y avait eu entre les Forces pour la Libération de la Patrie et les autorités du pays hôte avant le début des opérations. Nous nous sommes sentis trahis et n'avons pas épargné colère et larmes. L'officier en question recevra d'ailleurs des reproches et des punitions de la part de ses supérieurs qui n'ont pas compris non plus comment il pouvait oser faire replier des forces qui, dans le cadre d'un coup d'Etat, avaient réussi à prendre les points névralgiques du pays et à contrôler la radio.

Voilà comment une opération méticuleusement montée et préparée avait finalement échoué. Les allégations relatives à l'implication et à un quelconque rôle du Colonel TEPE sont par conséquent complètement fausses et sont sûrement destinées à aider ceux qui ont sauvagement assassiné cet officier de valeur (dont le seul tort aura été de refuser que les forces Armées Togolaises s'alignent dans le cadre de la démocratie sur le RPT) et à justifier leur ignoble acte d'exécution sommaire a postériori. Quant à ce qui concerne les conséquences de l'opération du 25 Mars 1993, il faut rappeler que dès janvier 1993, le Général EYADEMA ayant réussi à arrêter la transition et à nommer la Premier Ministre Joseph Kokou KOFFIGOH comme son premier Ministre, mettant ainsi fin à toute idée de transition démocratique dans notre pays, la situation politique était bloquée puisqu'il n'était d'ailleurs plus questions d'élections. Lors des discussions à Colmar, EYADEMA, par la voix de NATCHABA, avait évoqué la souveraineté de son pays pour arrêter toutes négociations et possibilité de sortie de crise.

C'est l'opération du 25 Mars 1993 qui aura le mérite de débloquer la situation et de contraindre le Général président et son Premier Ministre à accepter de remettre en marche la transition et surtout d'organiser les élections en août 1993. En effet, dès le lendemain de l'opération, le Président EYADEMA ravalant son idée de souveraineté, demanda l'aide de la France. Le Président MITTERRAND, profitera de l'occasion pour donner un coup de pouce au processus démocratique bloqué. Pour aider le Togo, il avait envoyé son Chef d'Etat Major particulier, l'Amiral LANXADE au Général Président. Le message porté par ce dernier était clair. Si le Général continuait de bloquer la situation politique dans le pays, une autre intervention du Commando du 25 mars 1993 est à craindre. La France pourrait aider à palier cela si le Général était prêt à accepter de laisser s'organiser les élections. Voilà comment les négociations jusque là bloquées avec l'opposition qui avait lancé une grève générale illimitée depuis novembre 1992 ont été rouvertes et que l'opposition et le pouvoir ont pu se mettre d'accord dans le cadre des rencontres de Ouagadougou qui déboucheront sur des accords et sur des élections qui se solderont malheureusement par le retour du Général aux affaires.

Mgr. Président ;

Messieurs les Membres de la Commission Vérité Justice et Réconciliation ;

Chers Compatriotes.

Beaucoup de Togolais sont sacrifiés à leur manière pour sauver la patrie. La mienne est modestement passée par la plume, la voix, les tracts, la presse et l'offre de la vie pour sauver les vies. Certes, c'est difficile de comprendre comment l'on peut passer d'un point extrême à l'autre. Les circonstances pourront vous en donner l'explication. Mais si nous avons sacrifié temps, énergie, argent, et risqué notre vie par surcroit, ce n'est pas pour une quelconque ambition personnelle comme certains on tenté de le faire accroire. C'est uniquement par Amour de ce pays, cette Terre de Nos Aïeux au sein de la laquelle notre seule ambition est de voir vivre heureux tous les autres citoyens, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Lorsque je viens parler d'organisation de la société civile, je ne suis donc ni un usurpateur, ni un imposteur. Je ne veux simplement que faire aboutir enfin une lutte qui a trop duré et qui n'a pas donné les fruits escomptés parce que mal organisée et trop tournée vars la satisfaction de l'ego ou des ambitions personnelles.

Messieurs et Dames de la Commission, Chers Concitoyens. Voilà pourquoi j'ai personnellement été l'objet de multiples mandats d'arrêt aussi bien internationaux que nationaux auxquels je n'ai pu échapper que grâce à Dieu et dont les derniers (demeurées malgré la loi d'amnistie de décembre 1994 qui couvrait les événements en question) ont été levés avec l'aide d'amis, la compréhension et la bonne volonté de l'actuel Chef de l'Etat qui a bien voulu que les exilés faits par son feu père reviennent enfin au bercail. Mon principal tort aura été d'avoir voulu et de continuer de vouloir le Bien Être de tous mes concitoyens à travers, Démocratie, Etat de Droit, Respect de la Dignité humaine et répartition équitable ses ressources de la Terre de nos Aïeux.

Voilà pourquoi mon grand frère Théophile Komla DEGLI à Sokodé a été arrêté et détenu pendant des jours avant d'être libéré. Voilà pourquoi le domicile de ma grande sœur a été perquisitionné à Tsévié en décembre 1994, et que la maison familiale où habitait ma mère à Kpalimé a été perquisitionnée à plusieurs reprises. Voilà, voilà également pourquoi mon cousin Bernard Kossi DEGLI, ancien militaire dans la fanfare togolaise qui a dû fuir l'armée à cause de son nom et de sa proximité avec ma personne a été sauvagement assassiné à Cotonou en novembre 1996. Voilà pourquoi en Avril 1994 à Aflao on a tenté de plastiqué mon domicile avec cinq kilos de bombes. Voilà pourquoi le Premier Ministre Joseph Kokou KOFFIGOH qui m'a officiellement désigné comme son conseiller juridique et m'a fait débourser des fonds pour aider la transition togolaise a refusé de payer les honoraires et frais que me doit la République Togolaise au motif que j'utiliserai cet argent pour entretenir la rébellion. Je ne lui ai rien demandé à ce jour car je ne voudrais pas demander à la Terre de Nos Aïeux rien que je ne sois en mesure de lui offrir. Et si je lui ai offert ma vie je ne crois pas que ce sont des millions de francs que je ne pourrai pas lui offrir.

Voilà pourquoi l'une des premières tâches que l'on a assigné au nouveau Directeur de l'Office Togolais des Phosphates (OTP) en 1993 était de me faire sortir de l'appartement de l'OTP, rue Léonce Reynaud à Paris et de mettre la main sur mes documents de travail. Cet appartement qui était alors vide et qui servait de chambre de passage aux barons du régime lorsqu'ils passaient à Paris, avait été mis à ma disposition pour recevoir les officiels (parlementaires, ministres, ambassadeurs et hommes politiques) que je rencontrait dans le cadre de la mission de Conseiller Juridique que m'avait confiée le Gouvernement de transition, personnes que je ne pouvais recevoir dans le studio de l'ami qui m'hébergeait dans le 19ème arrondissement de Paris ni dans les restaurants parisiens que je n'avais même pas les moyens de payer.

Voilà enfin pourquoi en janvier 1993, on avait tenté de me tendre un guet apens en m'invitant à Lomé pour une consultation juridique urgente au Premier Ministre nécessitant impérativement ma présence physique alors que j'apprendrai plus tard que c'était pour me faire arrêter à la frontière d'Aflao et me présenter comme un trafiquant de drogue. EYADEMA demandait à KOFFIGOH de me sortir du Ghana avant sa nomination comme premier ministre car j'étais devenu trop dangereux pour lui, etc.

Je n'ai donc pas quitté le Togo pour aller chercher fortune à l'étranger ni pour aller y faire des études comme certains s'évertuent faussement à le faire accroire. La nécessité de mettre toutes les œuvres de l'Eternel à profit m'ont amené à poursuivre des études pour apprendre quelque chose que je pourrai un jour communiquer à mes concitoyens. Aucun de ceux qui avaient les mêmes raisons que moi de quitter ce pays pour échapper à la mort n'y est resté à ma connaissance. Ceux qui, dans les mêmes circonstances, n'ont pas vite réagi sont hélas, tous morts. Paix à leur âme.

Avant de laisser cette parole que j'ai assez monopolisée, je voudrais faire le dernier devoir, ce qui me semble le plus important après la Vérité.

A tous ceux qui, femmes, hommes, petits, grands, jeunes, vieux, riches ou pauvres, acteurs politiques, autorités ou simples citoyens, ont pu souffrir de quelque manière que ce soit des actes de la Jeunesse pour la Libération de la Patrie et de mes actes, faits, propos personnels, de mes actions et/ou omissions, je voudrais présenter ici comme je l'ai fait le 12 novembre 2008 lors de mon arrivée pour la première fois dans mon pays après plus de 16 ans d'exil, mes sincères excuses. J'espère que chacun d'entre vous comprendra que si nous avons risqué nos vies, sacrifié nos moyens physiques et matériels, ce n'est pas pour autre chose que pour le Bien Être de ce Peuple, le Bonheur de cette Terre de nos Aïeux qui a tant souffert et dont les souffrances sont hélas, encore loin d'être terminées.

Notre ambition n'a été et n'est autre chose que de risquer notre vie par paroles, réflexions, dénonciations, pour permettre que chacun d'entre vous puisse garder sa vie le plus longtemps possible. Nous avons senti et continuons de sentir que notre devoir, c'est de nous battre pour le Bonheur de chacun et le Bien Être de tous. Si cette philosophie qui est orientée vers le respect et la défense de la Dignité de tous a pu, à quelque titre que ce soit, heurter certains, nous vous prions de trouver ici toutes nos excuses en vous renouvelant ce serment de départ que nous nous battrons toujours, quelles que soient les circonstances et où que ce soit, pour le Bien Être et le Bonheur de tous jusqu'à ce que ce rêve, peut-être naïf, devienne réalité.

A tous ceux qui ont donc pu souffrir, moralement, physiquement, matériellement de cette volonté implacable de libérer la Terre de nos Aïeux des affres de la dictature, nous disons pardon. Notre intention était de sauver, de faire le Bien, non pas de heurter, de faire du mal.

A nos combattants qui, à un moment donné, ont souffert dans leur chair ou se sont sentis abandonnés, je voudrais leur dire d'être fiers d'avoir sacrifié quelque chose pour ce pays. Ne demandons rien à notre pays, que nous ne soyons en mesure de lui offrir.

A vous tous à qui je dis encore « prêts pour la démocratie, la lutte continue », je voudrais demander que nous oublions nos misères et souffrances pour ne garder à l'esprit qu'une chose : la volonté qui nous a animée le jour où nous avons décidé de nous sacrifier pour les autres, pour notre pays. De cela, soyez fiers. Vous aviez, au moment où il le fallait, fait le bon choix, celui de se donner pour les autres. En cela, vous avez combattu le bon combat. Et je reste persuadé qu'un jour, lorsque le moment viendra, la Nation vous le reconnaîtra et vous le revaudra.

A tous ceux qui auront été heurtés par un de mes propos devant cette Commission, je présente des excuses en leur faisant savoir que telle n'est nullement mon intention.

Enfin, je voudrais vous dire à tous, parents, amis, admirateurs, dénigreurs, ou adversaires que j'ai appris quelque chose depuis ou suis revenu à un principe que j'ai dû abandonner en chemin. Quand quelqu'un te parle par le feu, réponds-lui par de l'eau.

Merci.


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Germain Kodjovi GBEDJEHA
Certifié en Audit des Systèmes d'Information
Auditeur Comptable & Informatique chez GHA / FICAO

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« Chaque génération doit, dans unerelative opacité, découvrir sa mission, l'accomplir ou la trahir » (FrantzFanon)


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